SIPANGO, le pitch

Lima, Pérou. Marcus Andrade, agent de la DGSE, collecte des documents, fichiers, renseignements et autres "produits" pour le compte du gouvernement français depuis quelques années.

Solitaire et méticuleux, il porte son cynisme en bandoulière et profite d'une vie -relativement- paisible...

...jusqu'à ce qu'un étrange commando en fasse un fugitif aux abois.

SIPANGO, un roman participatif, un e-novel de 24 épisodes, dont les 7 premiers sont le fruit du travail solitaire de l'auteur, et les 17 suivants le produit du dialogue et de la participation entre lecteurs et auteur.

Bonne lecture et belle participation !

JT

Mettez les mots en musique !

A chaque épisode sa musique :

il suffit d'opérer un "click-droit" avec la souris directement sur la photo en début d'épisode, puis d'ouvrir dans une autre fenêtre le lecteur DEEZER, qui chargera la musique de l'épisode...

bonne lecture et bonne écoute !

lundi 13 octobre 2008

Episode 5 : Infierno sans escale


Marcus passa le rond point Tomas Valle, remonta, laissa la Calle B sur sa droite, distingua l'entrée de la Calle A. Sur la gauche, l'aéroport international étend ses pistes. Le vombrissement des décollages fait trembler son parrebrise craquelé. La Honda vire à 90° à droite, monte sur le trottoir, éteint ses phares et coupe le moteur. Marcus en sorti, enfila l'Eastpack sur son dos et extirpa le sac de voyage, avant de se précipiter vers l'aéroport. On distignuait très nettement les réverbères à 4 lampes. Marcus compta : 8 vers la droite. « Il devrait être sous celui-là. » Il trotta entre les minibus jusqu'à l'objectif, supportant le claquement des tongs. Sous la lumière du néon, il reconnu le mec en chemise blanche et veste noire, jetée sur son épaule. Il devait s'appeler Yves ou Yvon. Marcus prit une inspiration et marcha naturellement jusqu'à l'homme, le dépassa, puis tournant la tête, lui demanda, en espagnol, une cigarette. Le type le mate sans sourire et lui tend un paquet de Marlboro Menthol. Marcus en tire une, rend le paquet et ils partent l'un derrière l'autre, direction : le hall de verre de l'aéroport. La clope alumée au Zippo, Marcus savoure et récupère le document plié en 4 que lui tend Yvon. Trois taffes mentholées plus loin, il jette la Marlboro et pénètre dans l'aéroport plus ou moins désert. L'horloge indique 5H07.
Dans le grand hall, la lumière est froide mais les messages d'annonce chaleureux : « Bienvenida, usted está en el aeropuerto internacional de Lima. Bienvenidos a Perú. Los pasajeros para el vuelo numéro 1487 con destinación a Londres son rogados que se hecho Puerta 7. Welcome, the Lima international airport... »
-Y'en a d'autres dans mon cas ? demande Marcus.
« ...passengers for the flight number 1487 to London are asked to... »
-Pas pour l'instant.
-Vous avez envoyé les faire-part ?
-Je ne sais pas.
« Bienvenue au Pérou. Les passagers pour le vol... »
-Je pars quand ?
-Dans 20 minutes. Un O.L.E te fera un débrief' en vol. Où sont tes jouets ?
-Dans mon jean, ma veste et un coupe papier dans le sac.
« Para todos sus viajes, Mastercard le acompaña... »
-Passe aux chiottes et vide ça dans le réservoir d'eau.
Sur le tarmac, Marcus rejoignit l'Officier de Liaison Etrangère Morin, mal à l'aise en costume civil. Sans poignée de main, il lui emboita le pas.
-Vous serez à Paris dans 16 heures.
Le Falcon 50 chauffait sur la piste d'envol, ses lumières oscillant dans les invisibles volutes des gaz. Il embarqua le premier. Morin ferma le sas hermétique. Au fond de l'appareil vide, le pilote et le copilote, micro-casque aux oreilles, jetèrent un coup d'oeil à leurs passagers et revinrent à leur check list. Marcus prit place sur un fauteuil en cuir, ses sacs aux pieds. Morin s'assit face à lui, écartant la tablette qui les séparait.
*
-Commençons le débrief'. Nous sommes en code noir. Qu'est-il arrivé ?
Sa voix était râblée, à la fois légère et puissante, à l’instar de son regard bleu, toujours mobile.
-J'ai vu l'équatorien à l'heure, je suis rentré dormir au studio de Arica. En plein sommeil, deux à trois types, en combi de commando, armés de SMG P90 m'ont arrosés. J'ai shooté, je dois avoir touché une cible. Je suis parvenu à filer par l'égout pour rejoindre l'hôtel et monter chez le colonel Michel. Toutes précautions d'usage ont été prises...
-Bon, bon. Et Michel ?
-DCD Monsieur.
Morin s'enfonça dans son fauteuil dans le crissement du cuir. Silence soupirant.
-Vous êtes collecteur, Andrade ?
-Oui, Monsieur.
« Mais qu'est-ce qu'on attend pour décoler nom de Dieu ! »
-Vous connaissiez le contenu du produit collecté hier ?
-Je ne connais jamais le contenu du produit, seulement sa nature et sa forme.
-Bien. Je fais sauter le scellés. De toute façon l'opération Siapango est annulée...
En tournant la tête, Marcus croisa le regard clair de l'OLE.
-...voilà Marcus. Le produit collecté chez Stern était un Palm Pilot bourré de données. L'individu à qui vous l'avez remis, appelons-le Paul, à procédé à une vérif depuis son véhicule. Le Palm était vide. Nous avons reçu un SMS avec le code 53 : il soupçonnait un leurre. Depuis, aucune nouvelle. Nous pensons que le Palm était effectivement un hameçon, peut-être muni d'une puce GPS. On vous a suivi. Ils ont repéré Paul, qui est considéré comme disparu. Puis, vous ont certainement pisté jusqu'au studio. Nous n'avons aucun moyen de joindre l'équatorien. Mais Paul a dû parler, puisqu'ils ont retrouvé le colonel Michel.
-Ils ne sont pas venu pour moi, à l'hôtel. Michel a été désingué au sniper : ils l'attendaient. Mais pas moi. Je me suis tiré avant qu'ils arrivent, mais je sais qu'ils ont visité sa chambre, sans prendre de précautions particulières.
-C'est plus compliqué qu'il n'y paraît.
Morin tourna la tête en direction du cockpit : « il décolle cet avion ou quoi ? ». Pas de réponse. Les deux hommes se lèvent, Morin rejoint en trois foulées les pilotes : inconscients. Le thermos de café et deux tasses gisent sur le sol. Morin saisit le pilote et le balance dans le corridor, aux pieds de Marcus.
-Couchez-vous ! Bordel, on les a empoissonés.
Le nez contre la moquette, à deux centimètres du regard révulsé du pilote, Marcus reprend son souffle. Sa première pensée : ce mec doit faire du 44 fillette.
*
-Où sont les armes ?
-On ne peut pas décoller, Marcus.
-Où sont les armes ?
-Dans les placards de bouffe, à l'arrière !
Marcus a déchaussé le pilote de ses mocassins et retiré les chaussettes.
-On doit sortir de ce zinc ! Je vais libérer la piste.
Il court, courbé, jusqu'au poste des hotesses et ouvre les trois placards blancs. Les moteurs montent en puissance : le Falcon roule. Cinq pistolets, chargeurs et holsters, ainsi que deux couteaux et un GSM sont visibles dans leurs boites. Marcus balance les tongs, enfile les chaussettes, et charge trois Glock 17 tout en fourrant ses pieds dans les mocassins. « Enfin, des chouzes ! ». Dans le cockpit, Morin débite froidement : « Aquí Falcon 50 n°15A78, sigue la pista B, tenemos un problema técnico de recalentamiento sobre un reactor. No podemos despegar. Necesitamos... »
Marcus revient à ses sacs, vide l'Eastpack du Fist-aid kit, récupère un jeu de seringues dans leurs étuis, retire la boite métallisée du sac de voyage.
-J'ai un cube, une espèce de boite, c'est quoi ?
« Aquí la torre de control, abrimos el hangar 16 para usted. Un equipo técnico llega... »
-J'en sais rien, Andrade, prenez-là !
L'avion tourne à présent vers la droite.
Marcus la dépose au fond de l'Eastpack, place un Glock dans la poche avant, cale le holster du second à sa ceinture. Le sac à l'épaule, il rejoint Morin et le cadavre du co-pilote. Le Falcon pénètre un hangar vide.
-Nous allons sortir par la soute...
Le co-pilote à fait sur lui en agonisant, une odeur d'excrèment pollue l'atmosphère.
-Prenez ça, lance Marcus en lui tendant le Glock.
-Merci... après ça, je ne suis plus sûr de rien. Putain, dommage que je ne sache pas piloter cette saloperie.
-Vous êtes de l'armée de l'air ?
-Non, j'ai piloté des Cessnas à l'armée. Je viens de la gendarmerie. Et vous du 44e Régiment d'Infanterie ?
-Comme tout le monde.
*
Gaz coupés. Morin pousse le sas de la soute, se lève, Marcus ouvre la marche vers la cale, dévérouille la petite porte et s'engouffre dans le petit local dont le sas extérieur coulisse lentement. Ils sont sur le hangar. Les talons des mocassins sonnent sur le béton crasseux. L'équipe technique va débarquer. Ils se mettent à couvert, derrière de larges étagères.
-On attend personne, souffle-t-il, on se sort de ce merdier tous seuls.
Morin tend le bras : SALIDA. Ils serpentent vers la porte et s'engouffrent dans un couloir. La lumière des néons brûle la rétine. Sur la pointe des pieds, Marcus suit le costume antracite de Morin. Ils débouchent sur un second hangar. La masse lourde et étincellante d'un Phenom 100 se dégage dans l'obscurité. Dans un angle, une voiturette de la compagnie Belvedair poireaute avec son attelage de remorques à bagages.
-On prend le Cab, murumure Morin.
Les deux hommes approchent le véhicule, Marcus retire le système d'attache des remorques. Morin démarre le tacot lorsque Marcus y grimpe. L'équipée retrouve le tarmac et l'atmosphère de kérozène. Longeant l'enfilade des hangars, Morin pousse le cab à fond.
-Où vous allez, officier !
-Dans l'autre sens, on croise les techniciens, qui vous dit qu'ils sont fiables ?
-Mais par là, c'est nulle part !
A 30 mètres à gauche, un Boeing décolle dans un tonnerre assourdissant. Morin hurle : « là bas c'est l'aéroport de tourisme, on peut sortir ! ».
En effet, 200 mètres en contrebas, un aérodrôme les acceuille. Ils quittent le cab et entrent dans le petit hall.
-Vous avez toujours le Passeport diplomatique que vous a remis Yvon à l'ambarcation ? demande Morin.
-Oui.
Ils passent la douane sans encombres : pas de portiques de sécurité ici. Après 8 minutes de marche : l'avenue Elmer Faucett. Retour à la case départ.
*
-Vous avez une bagnole ? s'enquit Marcus.
-Oui, mais je suis sur le parking de l'aéroport.
-J'ai une Honda volée et fracassée, dans la Calle A.
Les voitures filent sans vergogne dans les deux sens. Impossible de traverser.
-Vous parlez d'une merde. Et votre caisse vous pouvez vous la garder.
Les deux hommes remontent l'avenue en direction d'une circulation plus clémente. Dans une petite rue perpendiculaire, cinq voitures sont garées.
-J'ai le passe-partout du colonel. Vous voulez quelle marque ?
-Celle sans alarme, si possible, là, une vieille Volvo.
-Putain vous aimez les bolides !
-Grouillez Marcus.
Le passe en main, il force la portière et passe sur le siège du mort. Morin s'installe au volant.
-Filez-moi le passe.
Morin engage la clé, ferme la portière et démarre.
C'est une automatique. Demi-tour avant de rejoindre l'avenue. Une fois les 110 km/h atteints, Marcus interroge :
-Direction ?
-Ecoutez, là, je souffle un peu. Je suis pas habitué à ça moi.
Morin a les deux mains crispées sur le volant.
-Moi non plus, officier, moi non plus.

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