SIPANGO, le pitch

Lima, Pérou. Marcus Andrade, agent de la DGSE, collecte des documents, fichiers, renseignements et autres "produits" pour le compte du gouvernement français depuis quelques années.

Solitaire et méticuleux, il porte son cynisme en bandoulière et profite d'une vie -relativement- paisible...

...jusqu'à ce qu'un étrange commando en fasse un fugitif aux abois.

SIPANGO, un roman participatif, un e-novel de 24 épisodes, dont les 7 premiers sont le fruit du travail solitaire de l'auteur, et les 17 suivants le produit du dialogue et de la participation entre lecteurs et auteur.

Bonne lecture et belle participation !

JT

Mettez les mots en musique !

A chaque épisode sa musique :

il suffit d'opérer un "click-droit" avec la souris directement sur la photo en début d'épisode, puis d'ouvrir dans une autre fenêtre le lecteur DEEZER, qui chargera la musique de l'épisode...

bonne lecture et bonne écoute !

lundi 13 octobre 2008

Episode 2 : L'équatorien

Le Philishave en main, il tond sa barbe, puis termine au raseoir mécanique, sans mousse. Les lentilles de couleur trempent au bord du lavabo. Il rafraichit sa nuque à la tondeuse, laissant les paquets de cheveux choir dans la douche. Enfin, la serviette en main, épongeant la vapeur sur la glace, il retrouve le reflet de Marcus Andrade, ses yeux verts et sa peau de bébé. Appliquant l'aftershave, il sourit à son propre sourire, puis se retourne pour uriner. Fixant son ombre sur la cuvette de porcelaine, il laisse la culpabilité fuir de son urètre. Un frisson le soulage.
L'appart est clean. Seul le holster traine sur le lit. Il clos les stores, planque le Glock nettoyé et enfile un jean et une chemise bleue. Peut-être s'avourera-t-il un troisième été péruvien. Il tire 50 dollars de son portefeuille italien, les glisse dans le passeport diplomatique et empoche le tout contre sa cuisse. La nuit liménienne ne nécessite pas de veste. A 19h28, il quitte le studio.
*
Les premières collectes, les premiers défigurés à l'acide ne furent pas si aisés à reléguer en bord de cuvette. Comme une gosse qui chie dans la mer et voit remonter son étron, Marcus avait connu le syndrôme de l'espion, la parano, le malêtre. Avant de s'aperçevoir que son meilleur allié était l'incompétence des autorités et officines. Ou plutôt de leurs agents. Et puis, on s'y fait : devenir un autre, nettoyer, ne pas céder aux tentations qui aguichent le long du trottoir. Se dire que, sans famille, sans amis, il est simple de disparaître, de repartir. Etre assez seul, vide, froid, pour qu'une fois le flingue sur la tempe, il est davantage envie de sourire que pleurer.
*
La rue Arica grouille de monde. Locaux, touristes, vendeurs ambulants. Ca sent le Lomo Saltado et le kérozène. Grouillant d'une atmosphère bruyante, la fourmilière de la calle Arica ondulait sous les sunlights des réverbères. Attirés par le mirage des vitrines, les couples poursuivaient le collier de lumières. Il a rendez-vous au Puro Corazon, histoire de faire le bilan devant une assiette d'arros chaufa et une bonne bière.
L'équatorien, en chemise hawaïenne, est déjà attablé, le nez dans un verre de Cusqueña bien fraîche. Marcus glisse un clin d'oeil au serveur, Eduardo, et tire le fauteuil à lui. L'équatorien fend son visage bronzé d'un sourire ivoire.
-Quelles belles dents, Señor !
-Bonsoir, bonsoir, le Frenchy. Vous boirez bien quelque chose ?
Les baffles du restaurant crachaient une bachata colombienne. Marcus jeta son regard dans l'humeur vitrée de son hôte.
-Je viens de commander, merci.
-Vous êtes un habitué des lieux ?
Du coin de l'oeil, Marcus appercevait le barman jonglant avec les cocktails et les serveuses en jupes de jean. A chaque visage, il pouvait accoler un prénom.
-Cela fait 3 ans que je traine dans ce quartier, j'y ai mes petites habitudes.
-C'est pas très professionnel, on pourrait vous... remarquer.
-Je préfère avoir des adresses de confiance. On est jamais anonyme bien longtemps.
Une salsa cubaine se substitua à la bachata. Deux quadras, maquillées comme un passeport mexicain, frôlèrent leur table. Le regard de l'équatorien se dispersa.
-Peut-être... moi je n'y connais rien. Je ne suis qu'un... vendedor de gallinas.
-Un marchand de poules. On dit « marchand de tapis » en français. Je suppose que c'est le juste sens.
-En quelques sortes...
Il rajusta la chemise hawaïenne, dévoilant le dessin d'un crocodile couché, et posa les mains sur le bord de table.
-...Vous m'excuserez, mais je dois vous laisser. Ma seule présence confirme le deal.
-Certainement.
L'équatorien gobe sa bière, se lève, lâche un billet de 10 soles avec un « adios » et tourne les talons. Lui, les yeux rivés sur le billet, scrutant le visage du pilote Abelardo Gonzales en filligranne vert et bleu, attendit son plat de riz, suivant du regard la démarche mécanique de la chemise au crocodile. Ca sent la fumée de cigarette, ça sent le souffre.

Aucun commentaire: